En feu !

Il y a quelques semaines, les premières images du Portrait de la jeune fille en feu m’avaient légèrement interpellées. J’avais hâte d’être au 18 septembre pour  découvrir le film, ce que j’ai fait quelques jours après sa sortie. « Tout de suite la bande annonce ! », comme dirait Laurent Weil (LOL).

De Céline Sciamma j’avais vu Tomboy qui m’avait beaucoup plu. J’avais aimé la manière tendre avec laquelle la réalisatrice filme l’enfance : les moments de joie intenses, d’excitation mais aussi la confrontation parfois douloureuse à la vie. Un cinéma sensible et maitrisé avec de beaux plans et un casting réussi.

Avec ce Portrait de la jeune fille en feu, j’ai retrouvé la qualité du travail de la réalisatrice. L’histoire est assez simple : une mère (Valéria Golino) commande à une peintre (Noémie Merlant) le portrait de sa fille Héloïse (Adèle Haenel) afin que celui-ci soit envoyé à son futur époux en Italie.  Héloïse refuse cependant de poser car elle s’oppose à ce mariage arrangé en premier lieu pour sa sœur.  La peintre se voit donc dans l’obligation de peindre sans modèle en utilisant uniquement sa mémoire et les instantanés qu’elle saisit lors des balades qu’elle fait avec Héloïse. Une relation intime nait alors entre les deux femmes.

Je suis ressortie de la séance les yeux rougies et les joues humides. Il y a parfois, des livres, des musiques ou des films qui vous marquent et laissent une trace. Ce Portrait va assurément faire partie de ces pépites. On a rarement aussi bien raconté et montré l’amour, le désir et l’attirance par des regards et d’infimes gestes qui veulent dire tant. Le film aborde aussi l’empreinte que laisse en nous les histoires d’amour que l’on vit ou qu’on a vécues, ces panthéons de souvenirs et de réminiscences infimes qui nous ramènent à une relation (la page d’un livre, une musique, un lieu…).

J’aime le travail de Céline Sciamma car tout y est soigné et choisi avec goût :

  • les palettes de couleurs : le bleu des yeux d’Adéle Haenel, de sa robe et des paysages bretons ; l’ocre et les tons chauds de la cuisine, de la robe du peintre et du feu,
  • les dialogues vifs et fins,
  • les choix de cadrage et
  • les plans construits comme des tableaux.

Certaines scènes où l’on voit les personnages de dos m’ont beaucoup fait penser au Miroir de Tarkovski (qui parle justement de mémoire et de souvenirs). Céline Sciamma a aussi évoqué dans ses interviews des hommages à Persona de Bergman (que je n’ai pas vu) et à La leçon de Piano de Jane Campion.

Extrait tiré de « Le miroir » d’Andreï Tarkovski (1975)

J’ai été émue de voir dans la salle où j’ai vu le film, des couples d’hommes et de femmes s’affichaient librement et s’embrassant. A l’heure des débats agressifs et délétères sur la PMA et les attaques que subissent les communautés homosexuelles ou lesbiennes, Céline Sciamma offre une visibilité à ceux et surtout celles qui souvent, sont caché.e.s ou exposé.e.s à tort.

J’aimerais pour finir vous dire combien en tant que femme il est rafraichissant et agréable de voir un film fait par une femme sur des femmes avec une équipe quasiment 100 % féminine (y compris l’artiste qui a réalisé les tableaux et « prêté sa main » pour le film). J’aimerais ne pas avoir à souligner ce point mais le test de bechdel nous montre régulièrement que cela est suffisamment rare pour être mis en lumière. Il est inspirant de voir à l’écran des femmes penser, échanger, débattre et être solidaire. Cela me donne envie de simplement prendre ma place.

Vous l’aurez compris, je vous recommande vivement d’aller voir le dernier opus de Céline Sciamma. J’espère que comme moi vous n’écouterez plus de la même manière les Quatre saisons de Vivaldi après avoir visionné le film.

Si vous avez un peu de temps je vous recommande le podcast de Boomerang l’émission d’Augustin Trappenard qui recevait le 16 septembre la réalisatrice et la conversation de cette dernière avec Marie Richeux dans son émission Par les temps qui courent.

Sons & images #3

On se retrouve aujourd’hui pour la troisième édition de la catégorie Sons & Images. Vous pouvez retrouver les archives de cette sélection mensuelle ici.

Une vidéo

Comment réagiriez-vous si un de vos proches vous annonçait qu’il souhaite changer de genre ? Pendant un an le comédien/réalisateur/metteur en scène Océan a filmé sa transition. Pendant une heure et demi il nous donne à voir les changements que cela a provoqués sur son corps et les conséquences de sa transition sur ses proches. On y découvre également le parcours administratif long et fastidieux pour que son changement de genre soit reconnu par l’administration.

Un podcast

Maëlle Sigonneau à 30 ans quant on lui diagnostique un cancer du sein incurable. Suite à ses années de traitement elle prend conscience que même dans une situation vitale et médicale les injonctions à la féminité sont toujours aussi présentes pour les femmes. A travers leur podcast Im/patiente, Maëlle et Mounia El Kotni (docteure en anthropologie médicale et culturelle) tente de nous interroger sur les attentes de genre des patient.e.s.

Une musique

Esperanza Spalding est une artiste que j’aime beaucoup. Contrebassiste de formation, elle chante également (en plus de ses nombreuses autres activités). La vidéo ci-dessous présente le making-of de l’enregistrement d’une des chansons de son sixième album Exposure. On y voit Esperanza jouer, chanter et diriger son équipe. D’une certaine manière je trouve qu’on observe comment on crée de la musique comme ci on était une petite souris. Fascinant !

Et toi, tu regardes quoi comme série ?

Très souvent lorsque je passe un moment avec des amis, des collègues ou ma famille, il y a un petit moment de solitude pour moi : l’instant série. De la question « Es-ce que tu regardes des séries ? » on est passé en un rien de temps à « Tu regardes quoi comme série en ce moment ? » comme si cela était une évidence de les visionner. Je ne vais pas parler de séries ici, car il se trouve que de mon côté, je n’en regarde quasiment pas (à part des rediffusions d’Urgences, de Friends et plus récemment de The affair). Il me semblait intéressant de vous expliquer pourquoi et d’échanger sur le sujet en commentaire si ça vous dit.

Trending Topics 2019 – CC BY

J’ai tout d’abord du mal à m’investir dans quelque chose dont le point final n’a pas été écrit, et cela que ce soit une série, un livre ou un film. Je gère mal l’attente et la frustration que cela peut engendrer. Pour tout vous avouer, j’ai un peu la flemme de revisionner ou relire toute une œuvre avant de m’y remettre car j’ai tendance à tout oublier entre deux saisons/films/livres.

Ensuite les séries sont pour moi beaucoup trop chronophages.

J’ai aussi l’impression que certaines séries sont des clips publicitaires géants à coup de sponsonariat, de placements de produits et de coupures pub régulières comme si elles étaient un support pour offrir du temps de cerveau disponible aux marques.

Enfin pour moi la série c’est le produit culturel de la société de consommation dans laquelle nous vivons. J’ai l’impression que leur visionnage fait appel aux mêmes mécanismes que ceux de la consommation :

  • le désir via les trailers,
  • l’attente (entre deux épisodes ou deux saisons) et la frustration que cela engendre,
  • la compulsion et la consommation excessive via des cliffhanger qui vous poussent à regarder toujours plus d’épisodes,
  • l’uniformisation des pratiques via le phénomène de la it-série du moment,
  • l’effet mimétique (tout le monde parle de GOT = je regarde GOT)
  • et l’oubli rapide (vite vu et vite oublié : à part les ultra-fans qui regardent encore Lost, Californication ou 24 heures chrono qui avaient fait pas mal de bruit lors de leur première diffusion).

Tout cela me donne l’impression d’être un peu un pantin dans les mains des producteurs, même si je ne remets pas en cause la qualité de la réalisation, des scénarios et du jeu des acteurs.

Pour terminer il y a quelques années le PDG de Netflix Reed Hastings expliquait dans une interview (que je n’arrive pas à retrouver, veuillez m’en excuser), que son concurrent principal ça n’était pas les autres loisirs (lecture, cinéma, sport,…) mais tout simplement le temps qu’on consacrait à ses proches et son sommeil. De quoi faire sérieusement réfléchir. Du coup de votre côté vous regardez des séries ? Si oui lesquelles ? Si non pourquoi ?